2005-2007 ACI " SECURITE ROUTIERE ET SOCIETE "
Société des usagers de la route et régulations du risque routier
" Des réceptions à la production des discours sur le risque routier "
Ce travail collectif financé à hauteur de 26 000 euros (en sus d’une allocation de recherche pour 3 ans), associe tous les chercheurs de l’axe 2 - Médias et représentations - du Laboratoire des Sciences Sociales du Politique (LaSSP) - EA 4715 et plus particulièrement Olivier Philippe, Eric Darras et Matthieu Grossetête, allocataire de recherche de cette ACI.
Il vise à mieux comprendre et évaluer l’efficacité des discours sur les risques routiers auprès de ses destinataires légitimes du point de vue de l’accidentologie sociale, qu’il s’agisse des spots télévisés dits « choc », de l’inflation récente des discours scientifiques et politiques sur ce thème, ou du (re-)traitement médiatique des politiques publiques de gestion des risques routiers.
A nouveau, la réception n’est en effet pas sécable de la production de ces discours. Sans prétendre à l’exhaustivité, l’on tente de considérer l’ensemble des genres rassemblant les discours (depuis ceux des entrepreneurs de la cause de la sécurité routière jusqu’aux productions audiovisuelles apparemment très éloignées) à partir d’entretiens et de groupes de discussion sur les populations les plus directement concernées par la violence routière.
Par souci de correspondance avec les consommations médiatiques et culturelles des milieux populaires, population ciblée par cette enquête, nous focaliserons notre attention sur les médias audiovisuels. Au-delà du processus de mise en agenda journalistique et politique de cette cause publique, il s’agit de lier la production des différents discours tenus sur les risques routiers et leurs réceptions. Le matériau principal de l’enquête réside à ce stade (tiers du parcours) en la conduite d’une série d’entretiens et d’observations, conjointement menés du côté de la production des campagnes TV de la communication publique en sécurité routière et de l’organisation locale et nationale de la sécurité routière. Du côté de la production, le rapport de la communication publique à ses récepteurs s’apparente à un conflit autour de la définition du public légitime de la communication sur les risques routiers.
Les différents acteurs de la production des messages (service communication de la DSCR, agence de communication, observatoire interministériel de sécurité routière, agence d’évaluation des campagnes et agence de media planning) luttent pour imposer sinon négocier une définition du public en adéquation avec leurs contraintes et leurs compétences. Les modes de représentation civique du public qui ont court durant les premières étapes de production, principalement entre l’agence de communication et l’annonceur public, laissent place au fil de l’intervention de l’agence d’évaluation ou des planeurs media aux logiques économiques de représentation du public par l’audimat comme « principe de légitimité universel ». Cette figure du « grand public » d’un individu moyen, isolé de toute influence sociale, sans vécus ni cultures, qui n’existe que pour l’émetteur, résulte de la revalorisation de l’attention médiatique suscité par la présidentialisation du chantier de l’insécurité routière.
L’on constate que la redéfinition présidentielle du problème par élargissement de ses destinataires, loin d’être l’élément déclencheur unique de la mutualisation de la ressource rare du contact avec le public de chacun des grands acteurs de la sécurité routière, s’avère largement co-produite et anticipée par la communication publique en sécurité routière, tant dans le fond que dans la forme (durcissement du discours dés 1999, puis fédération du collectif d’association « arrêtons le massacre » jusqu’à l’obtention du label de « grande cause » en 2000 et enfin consécration comme priorité présidentielle).
Dès lors, la lutte pour la définition du public légitime de la communication se double d’une concurrence accrue au sein du système de production des campagnes autour de l’attribution des paternités glorieuses de ce chantier en pleine promotion politique. Cette problématisation dominante modifie les rapports de force au profit des spécialistes de l’action de communication sur le grand public. Ce mode dominant et massificateur de représentation du public néglige les dispositions, les contextes, les rapports pluriels et contradictoires des individus à la culture, aux médias, mais surtout au risque routier. En outre, les items retenus par ces détenteurs du monopole de l’expression du public (compréhension, mémorisation, agrément) ne se préoccupent guère des postures de réception. Ils évacuent les mécanismes de réappropriation du sens.
Procurant une cohérence inédite aux différents discours sur les risques routiers, cette puissante communication grand public, faute de cibler véritablement le public appartenant aux CSP sur-représentées dans l’accidentologie mortelle, focalise ses efforts sur un public indifférencié. Elle préfère donc se centrer sur l’individu asocial plutôt que sur des individus sociologiquement pluriels, sur une communication linéaire plutôt que sur une communication complexe : elle privilégie un cadrage conducto-centré du problème et néglige l’inégale distribution du risque routier selon les caractéristiques sociales des publics, ciblant son attention sur les conséquences de l’insécurité routière plutôt que sur ses causes sociales.