Les redécoupages de départements ministériels en Europe : politiques structurantes ou Much ado about nothing ?
Groupe de travail de l’AFSP
« Science politique comparée des administrations »
(A. Cole/J.-M. Eymeri-Douzans)
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Les redécoupages de départements ministériels en Europe :
politiques structurantes ou Much ado about nothing ?
1ère journée d’études du Groupe,
Laboratoire des sciences sociales du politique (LaSSP)-IEP de Toulouse,
(organisateurs : J.-M. Eymery-Douzans et Julien Meimon)
On observe, ces dernières années, un regain d’intérêt pour l’administration publique, pour certains de ses acteurs, pour les politiques qu’ils mettent en place, et les schèmes cognitifs dans lesquels s’inscrit leur action. Les travaux sociologiques prenant pour objet les hauts fonctionnaires de tel ou tel service[1], et les fonctionnaires « de guichet »[2] ; les analyses centrées sur la genèse administrative de politiques publiques sectorielles comme l’affirmative action [3], les politiques de l’emploi [4], du logement [5] ou de l’immigration [6]; ou l’étude, dans une perspective historique, des principes à l’origine de la réforme de l’État telle que définie par le New Public Management[7] , ont réactualisé les approches antérieures. Avec des terrains et des méthodes d’enquête renouvelés, c’est ainsi une « Science politique de l’administration » qui est en cours d’épanouissement [8]. Abordée de manière dynamique comme une sociologie politique des institutions publiques, la science politique de l’administration s’enrichit du comparatisme en général et des travaux qui se sont imposés outre-atlantique et chez nos voisins européens.
Il reste que, dans ce cadre, les réorganisation administratives, au sens de créations, suppressions, démembrements, fusions et recompositions de ministères, ont fait l’objet de si peu de travaux qu’il n’est pas exagéré d’y voir un angle mort de la science politique. En dehors d’une typologie dressée par J. Chevallier dans une contribution à un ouvrage collectif sur l’environnement[9] et d’ouvrages consacrés à un ministère ou une politique publique en particulier et abordant de ce fait, à un moment donné, la problématique des restructurations, il n’existe guère d’étude synthétique à ce sujet[10]. Certes, les ministères, ou certains d’entre eux, ont pu contribuer à restituer le cheminement sinueux dont ils sont le produit, et nous donner ainsi à voir certaines réorganisations au concret[11]. D’autres études, en particulier lorsqu’elles se focalisent sur le thème de la réforme de l’État, ont pu apporter des précisions sur le discours de légitimation « modernisateur » qui entoure les fusions[12], ou sur cette forme moderne de restructuration que représente l’agencification[13] . Mais l’on peine à trouver des points de convergence théoriques et pratiques dans cet ensemble non exhaustif de travaux, et encore moins à y découvrir des perspectives dépassant le strict cadre national.
C’est avec pour ambition de commencer à combler ce vide, et ceci dans une perspective comparée, que le groupe SPCA de l’AFSP se propose, conformément aux principes guidant sa création, de consacrer sa première journée d’études à explorer les questions suivantes :
Ø Les réorganisations administratives se limitent-elles à des jeux d’organigrammes ?
Ø Sous quelles « conditions de félicité » ont-elles ou n’ont-elles pas d’effets de recomposition durable de l’appareil d’Etat ?
Ø Ces réorganisations tendent-elles toujours et partout à une forme d’externalisation des missions de l’État par « agencification » ?
Ø En quoi les jeux d’échelle et la dimension multi-niveaux (en particulier dans les Etats fédéraux ou autonomiques comme l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Espagne) influent-elles sur les modalités et la portée de ces réformes ?
Ø Etc.
Programme de la journée d’étude
La journée se déroulera en langues anglaise et française, selon le schéma suivant :
Première séance: Au niveau des Etats centraux (Président-discutant, Alistair Cole, Université de Cardiff, Professeur invité à l’IEP de Toulouse)
- 9 h 30-10 h : Introduction problématique (J.-M. Eymeri-Douzans, LaSSP-IEP & Julien Meimon, chercheur associé au LaSSP).
- 10 h- 10 h 45 : The Whitehall Model: between Core Executive and agencification (Edward Page, London School of Economics)
- 10 h 45-11 h : Coffee break.
- 11 h -11 h 45 : Les recompositions d’administrations centrales en France (Julien Meimon, chercheur associé au LaSSP).
- 11 h 45- 12 h 15 : Discussion (Alistair Cole)
- 12 h 15-12 h 30 : Question-time.
Déjeuner.
Seconde séance : Dans les Etats fédéraux ou autonomiques (Président-discutant, Edward Page, LSE)
- 14 h 30-15 h 15 : Entre le « Copernic » belge et l’agencification néerlandaise : comparaison de deux trajectoires nationales (Christian de Visscher & Caroline Montuelle, AURAP- Université catholique de Louvain).
- 15 h 15-16 h : Administrative re-organisations in an ancient federal state : the case of Germany (Werner Jann, Université de Potsdam)
- 16 h - 16 h 15: Pause café.
- 16 h 15-17 h : Le cas des entités « nationales » du Royaume-Uni : l’Ecosse et le Pays de Galles (Alistair Cole).
- 17 h-17 h 30 : Discussion (Edward Page).
- 17 h 30-17 h 45 : Question time.
- 17 h 45-18 h : Rapport de synthèse et perspectives de recherches comparatives en Europe (Edward Page).
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[1] Pour le cas du SGCI par exemple, voir Yves Buchet de Neuilly, L’Europe de la politique étrangère Paris, Économica, 2005.
[2] Alexis Spire, Étrangers à la carte. L’administration de l’immigration en France (1945-1975), Paris, Grasset, 2005 ; V. Dubois, La vie au guichet : relation administrative et traitement de la misère, Paris, Économica, 1999.
[3] D. Sabbagh, L'Égalité par le droit : les paradoxes de la discrimination positive aux États-Unis, Paris, Économica, collection "Études politiques", 2003.
[4] Pierre Mathiot, Acteurs et politiques de l'emploi en France (1981-1993), Paris, L'Harmattan, 2000.
[5] Françoise de Barros, l'État au prisme des municipalités. Une comparaison historique des catégorisations des étrangers en France (1919-1984), Thèse de science politique, Université Paris I, décembre 2004.
[6] Sylvain Laurens, Hauts fonctionnaires et immigration en France (1962-1982) Socio-histoire d’une domination à distance, Thèse pour le doctorat de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, 2006.
[7] Sur la méthodologie de la réforme, les représentations que s’en font les acteurs et les discours de légitimation accompagnant les réformes, voir Philippe Bezès, Gouverner l'administration : une sociologie des politiques de la réforme administrative en France, 1962-1997, Thèse de science politique, IEP de Paris, 2002. Voir également L. Chaty, L’administration face au management. Projets de service et centres de responsabilité dans l’administration française, Paris, l’Harmattan,1997.
[8] Françoise Dreyfus, Jean-Michel Eymeri, dir., Science politique de l’administration. Une approche comparative, Paris, Économica, 2006.
[9] Voir Jacques Chevallier, « La création d’un ministère », dans Lascoumes (Pierre), dir., Instituer l’Environnement, vingt-cinq ans d’administration de l’environnement, L’Harmattan, Paris, 1999, pp. 21-48.
[10] On retiendra en particulier, au delà des auteurs précédemment évoqués, à propos de la politique de la recherche : P. Bezès, M. Chauvière, J. Chevallier, N. de Montricher, F. Ocqueteau, dir. L’Etat à l’épreuve des sciences sociales. La fonction recherche dans les administrations sous la Ve république, Paris, La Découverte, 2005 ; et en ce qui concerne la politique culturelle et le ministère de la culture V. Dubois, La politique culturelle, genèse d’une catégorie d’intervention publique, Paris, Belin, 1999 ; M.-A. Rauch, Le bonheur d’entreprendre, les administrateurs coloniaux de la France d’outre mer et la création du ministère des affaires culturelles, Comité d’histoire du ministère de la Culture, Paris, La documentation française, 1998.
[11] Le rôle des « comités d’histoire » de ces ministères, lorsqu’ils existent, est souvent central dans l’écriture de cette histoire. Voir par exemple pour le ministère du Travail, Boris Dänzer-Kantof, Véronique Lefebvre, Félix Torres, dir., Un siècle de réformes sociales - Une histoire du ministère du Travail 1906-2006, Paris, La Documentation française, 2006. Pour le ministère de l’Économie et des Finances, et deux de ses directions en particulier, voir par exemple, se reporter à Laure Quennouëlle-Corre, La direction du Trésor, 1947-1967 - L'État banquier et la croissance, Éditions du Comité d'histoire économique et financière de la France, Paris, 2000 ; Frédéric Tristram, Une fiscalité pour la croissance, La direction générale des Impôts et la politique fiscale en France de 1948 à la fin des années 1960, Éditions du Comité d'histoire économique et financière de la France, Paris, 2000 . On pourra également naviguer sur leur sites internet respectifs : http://www.travail-solidarite.gouv.fr/ministere/comite-histoire/430.html ; http://www.comite-histoire.minefi.gouv.fr
[12] Sur le NPM, voir C. Pollit, Managerialism and the Public Services, Oxford, Blackwell, 1990 ; C. Clifford, V. Wright, « la politisation de l’administration britannique :ambitions, limites et problèmes conceptuels », Revue française d’administration publique, n°86, 1998, pp. 267-280 ; Philippe Bezès, dir., «"Réformes de l’État et transformations démocratiques : le poids des héritages », Critique internationale, N°35, Avril 2007
[13] Sur le processus d’agencification dans le secteur sanitaire, voir par exemple Daniel Benamouzig, La santé au miroir de l’économie, Paris, Presses Universitaire de France, collection sociologies, 2005.